Maison Legeron, profession fleuriste et plumassier

0

Quand on entre dans la Maison Legeron, dans un vieil immeuble prêt de l’Opéra Garnier, on découvre un atelier fourmilière (car « femmillière » n’existe pas encore). Les femmes s’affairent, passent dans les étroits couloirs avec une boite puis une autre ; elles interpellent Bruno pour lui poser une question sur une commande, une couleur ; le téléphone sonne au loin… L’homme de la maison fait aussi le coq, charrie les dames mais il sait bien qu’ici, c’est un peu le chouchou. Rencontre avec un personnage haut en couleur, qui nous entraîne dans ses appartements afin de nous faire découvrir son savoir-faire de fleuriste, plumassier.

Petit bout d’histoire

Bruno commence par nous retracer l’histoire de la maison Legeron. Pour dire vrai, tout a commencé en 1727. En 1880, le grand-père Legeron reprend une affaire existante et la transforme en une belle success story. Bruno Legeron est la troisième génération de la famille à « titiller les pétales ». On fabrique des fleurs en soie, en cuir, en plume, des discrètes, des énormes, des accessoires de mariée, des garnitures de chapeaux… Des maisons prestigieuses comme Dior, Courrèges, Ungaro font appel à lui pour « remplumer » (ou devrais-je dire « recouvrir » c’est plus chic) leurs créations. La Maison Legeron prend aussi des commandes pour réaliser des décors de magasin et pour les particuliers. Elles arrivent du monde entier et environ 40 % des créations de la maison s’envolent à l’étranger.

Le temps passe, les souvenirs restent, le savoir-faire perdure

Bruno n’a pas besoin de nous indiquer que la Maison Legeron est ancrée dans la tradition. Il n’y a qu’à voir les outils et les modes de confection pour s’en assurer. Même la « déco » des ateliers nous plonge dans un autre monde. On s’éloigne du brouhaha parisien, de notre rythme effréné pour découvrir un savoir-faire raffiné, qui nécessite beaucoup de patience et de précision. Il fut un temps où les grands couturiers défilaient ici afin de passer leurs commandes. Ils fouinaient dans les boites au trésor de la maison Legeron, un véritable échange avait lieu entre les créateurs et Bruno. Aujourd’hui, les rapports avec les maisons de Haute Couture ont changé. Tout se normalise, se structure, se codifie, se #CahierDesChargesIze. Les créateurs jouent à saute-mouton, passe d’une maison à l’autre et surtout, prennent moins le temps de venir dans les ateliers. C’est plus complexe qu’il y a 20 ans nous raconte Bruno.

Le travail de la fleur

Bruno nous fera découvrir son stock de plume. Un bestiaire original où plumes de coqs, cygnes, faisans, autruches… sont conservées soigneusement dans de grandes boites qui s’entassent jusqu’au plafond ! C’est l’occasion de s’attarder sur des questions techniques : d’où viennent les plumes ? Y-a-t-il des fournisseurs français de plumes ? Quid des plumes que l’on ne peut plus acheter ? Comment fait-on pour avoir des plumes rayées en noir et blanc ? Bref, on déballe notre sac de questions. L’apprêtage du tissu est la première étape du travail de la fleur. L’objectif est de rigidifier le tissu avant son façonnage. Après avoir trempé ou badigeonné le tissu dans un bain de gomme, d’amidon ou de farine, il est tendu sur un cadre. Le tissu se met alors à chanter jusqu’à ce qu’il sèche complètement. Le tissu passe ensuite sous la presse. Un emporte-pièce permet de découper le tissu à la forme souhaitée. A chaque fleur correspond des emporte-pièces spécifiques.

[mk_gallery images=”6057,6055,6053,6064,6065″ style=”style1″ margin_bottom=”10″ item_id=”1449049439-565ebd5f9261e”]

Dans une petite pièce, un bureau est adossé à une fenêtre afin d’y voir bien clair et de ne pas se laisser abuser par la lumière artificielle. Des bouteilles alignées attendent qu’on les utilise afin de préparer un bain dont la couleur sera unique. C’est comme un rêve de gosse. Toutes les couleurs sont possibles. Elles n’attendent qu’à être inventées ! Les différents pétales découpés dans le tissu vont alors être colorisés à la main. On donne le ton aux pétales, on les essore, on laisse l’alcool s’évaporer puis on habille les pétales d’un dégradé sur les bords ou les pieds des pétales. Après avoir séché sur des clayettes toute une nuit, les pétales sont transportés dans une autre salle où des femmes vont leurs donner une forme. A l’aide d’outils d’époque, boules, pinces, rayettes, crochets… le gaufrage peut commencer. Le pétale est assoupli, on le travail délicatement, lui donne du volume et on peaufine les finitions à la pince afin de plisser, frisoter… la fleur. Chaque fleur est ensuite montée sur une tige en laiton. Chaque pétale sera collé autour du pistil, on recouvrira la tige en laiton de fils de soie et on y apposera du feuillage si nécessaire. Chaque modèle de fleur est consigné dans un livre, sous un numéro. C’est comme un livre de recette où l’on trouve toutes les indications pour la refaire si nécessaire : nombre de pétales, taille, couleur etc.

[mk_gallery images=”6059,6061,6062,6063,6078″ style=”style2″ margin_bottom=”10″ item_id=”1449049439-565ebd5f9261e”]

Bruno accorde une importance à la transmission de ce savoir-faire rare. Il n’y a plus que trois maisons en France et au niveau des formations, seul un lycée à Paris propose de former la relève. Une visite d’entreprise qui a du style !

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Je veux recevoir la newsletter WeSavoirFaire