Toiles de Mayenne : histoire d’une toile qui ne prend pas le pli

3
Toiles de Mayenne

Odile Duval est journaliste. C’est aussi une grande fan des savoir-faire français car à nos quiz et devinettes, elle se débrouille plutôt bien. Après un coup de foudre pour les Toiles de Mayenne lorsqu’elle préparait un reportage pour la télévision, elle décide de faire un livre sur cette belle entreprise Made in France ! Je partage avec vous le regard croisé d’Odile et de Grégoire Denis, l’un des dirigeants de Toiles de Mayenne. Odile nous raconte les racines de Toiles de Mayenne et Grégoire, ses ailes.

Toiles de Mayenne : une histoire de moines cisterciens et de tisserands

En 2010, Odile découvre le petit village de Fontaine-Daniel et la mythique entreprise Toiles de Mayenne.

Une question la taraude : comment se fait-il qu’à notre époque où les sociétés ont une identité souvent précaire, il en existe qui traversent les temps, fidèles à un lieu, un savoir-faire… ?

Passionnée par les différentes facettes de l’histoire, elle a quelques années après son reportage TV, envie de faire partager son enthousiasme ! Elle se lance donc dans l’écriture d’un livre sur ce village et Toiles de Mayenne. Les premiers pionniers, ce sont ces moines cisterciens qui au début du XIIIème siècle, s’installent dans la petite clairière marécageuse de Fons-Danielis, défrichent, drainent, creusent des étangs et construisent une superbe abbaye qui va rayonner durant 6 siècles.

Ce sont ensuite des manufacturiers parisiens qui achètent les bâtiments abandonnés à la Révolution pour y installer une filature et un tissage, malgré la « folie du coton » qui en fait une denrée bien onéreuse.

Grégoire Denis : on n’a pas le droit de faillir

Au 19ème siècle, la France connait une explosion industrielle (comme dans toute l’Europe). Martin Denis alors dirigeant de Toiles de Mayenne avait une vraie difficulté à garder ses employés. Il fallait mener des actions significatives qui plaçaient l’humain au coeur de l’action.

Pour Grégoire “ce n’était pas du paternalisme !”

Ce sont ces générations de dirigeants et d’ouvriers qui construisent ensemble un village où s’instaure une vraie communauté de vie : une école où les ouvriers allaient le matin et travaillaient l’après-midi (on travaillait jeune à l’époque), une ferme pour des produits frais, une chapelle, du théâtre… Une conscience du bien commun qui depuis 2 siècles a permis à l’entreprise de traverser guerres et crises grâce à un esprit d’adaptation et d’innovation constant.

En 1980, les habitants se mobilisent pour “leur usine” : 38 ménages du personnel prêtent 400 000 francs à l’entreprise. Dans les années 70, l’entreprise avait eu de graves difficultés. Extrait du livre

Grégoire Denis a rejoint l’entreprise il y a 20 ans après un passage dans le secteur automobile. Son frère Raphaël lui demande (enfin, le persuade) de rejoindre l’entreprise à une période charnière. L’entreprise avait un besoin important en commercial et marketing !

Pour Grégoire, “ce n’était pas du tout un projet de vie. C’est compliqué une entreprise familiale et à mon arrivée, je ne m’inscrivais pas dans la durée. C’est un challenge permanent, passionnant et on n’a pas le droit de faillir ! Malgré la pression, tout ceci donne beaucoup de sens au quotidien. C’est une très belle aventure.”

Le secteur textile : entre tradition et modernité

Toiles de Mayenne est une PME, dans un secteur complexe, avec des importations énormes et des habitudes de consommation qui changent très vite ce qui pousse l’entreprise à évoluer sans cesse. Jusqu’à la dernière guerre mondiale, Toiles de Mayenne fabriquait des tissus d’habillement.

“En 1961, pour répondre encore mieux aux attentes du marché, l’entreprise décide de proposer des articles de “blanc”. Henriette, une couturière confectionne seule, torchons, draps, oreillers, traversins… Enthousiaste, elle voudrait élargir la gamme de produits proposés…” Extrait du livre

Depuis, Toiles de Mayenne s’est diversifiée pour répondre plus largement aux envies de décoration : peintures, papiers peints, objets variés de décoration et une belle gamme de sièges ! C’est une entreprise industrielle mais la production n’est pas à la chaine. Aujourd’hui Toiles de Mayenne c’est quatre métiers : la création et la fabrication de tissus pour la maison, la confection à façon (= pour d’autres marques), le conseil en décoration personnalisé.

Toiles de Mayenne : et le Made in France alors ?

Toiles de Mayenne place le Made in France au coeur de sa production et pour certains savoir-faire, ils font appel à des partenaires majoritairement français (80 %). La teinture en fil est confiée à une entreprise du nord et la teinture en pièce est réalisée en Mayenne.

L’entreprise a obtenu le label Entreprise du Patrimoine Vivant. Pour Grégoire, c’est l’assurance qu’on ne raconte pas d’histoire. On a un savoir-faire qui perdure de génération en génération.

Une partie de leur clientèle recherche une certaine traçabilité, veut bien consommer en trouvant le juste équilibre entre prix et qualité des produits. Néanmoins comme me le rappelle Grégoire, il ne faut pas inverser les choses. Il faut d’abord faire de beaux produits, que nos clients aient des coups de coeur car sans cela, il n’y aurait pas de Made in France.

Une envie de visiter Toiles de Mayenne ?

Pour découvrir la fabrique de tissus, il faut venir au village lors des Journées Portes Ouvertes en septembre. Derrière l’abbaye cistercienne, les métiers à tisser âgés d’une vingtaine d’années pour les plus jeunes, sont en action. Dans un autre atelier, les coupeuses ont accès à l’ensemble des 600 références de la collection. De quoi contenter les 20 000 commandes annuelles des particuliers !

La saga de cette belle entreprise française continue de plus belle et en 2016, Toiles de Mayenne va fêter ses 210 ans avec ses 117 salariés ! Merci à Odile Duval et Grégoire Denis d’avoir pris le temps de répondre à ma longue liste de questions… Vous retrouverez le livre écrit par Odile “Des Moines aux Tisserands” dans tous les magasins de la marque ainsi qu’à l’accueil du centre d’interprétation du château de Sainte-Suzanne, au château de Mayenne, à l’épicerie coopérative de Fontaine-Daniel et à la librairie indépendante Corneille à Laval.

Article précédentNougats Silvain : voyage illustré au coeur de la gourmandise
Article suivantQuiz sur les savoir-faire du sud-ouest !
J'ai le plaisir de vous faire découvrir les savoir-faire français au travers de mes reportages et interviews. Je me laisse porter par ce que m'inspirent mes rencontres, mes échanges. J'adore les vieilles boites, qui ont de belles anecdotes à raconter. J'aime le subtile mélange entre tradition et modernité ! J'apprécie l'engagement des hommes et des femmes qui ont décidé de fabriquer en France...

3 COMMENTAIRES

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Je veux recevoir la newsletter WeSavoirFaire