Papier d’Arménie : un parfum d’enfance

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visite papiers armenie montrouge

Le Papier d’Arménie est pour beaucoup, une odeur d’enfance. Zoom sur cette maison familiale installée à Montrouge depuis 1885 et qui fabrique de façon artisanale un produit mythique que je refuse d’associer à une odeur nostalgique car le Papier d’Arménie est intemporel. Il brûle toujours délicatement dans de nombreuses maisons, en France comme à l’autre bout du monde. Un voyage dans le temps, olfactif que je vous invite à découvrir…

Voyage en Arménie : découverte d’une coutume locale

Auguste Ponsot, chimiste de formation, découvre lors d’un voyage en Arménie une coutume qui l’intéresse : les habitants brûlent des larmes de benjoin (la résine de l’aliboufier, un arbre qui ne pousse pas en Arménie mais au Laos) pour désinfecter et désodoriser les lieux. De retour à Paris, il s’associe avec Henri Rivier pour créer le papier imprégné de benjoin. Primé en 1889 à l’exposition universelle, le papier est distribué en pharmacie et il est marketé comme “désinfectant” ce qui n’est plus possible de faire aujourd’hui.

Trois bonnes raisons d’acheter un carnet Papier d’Arménie (je ne suis pas sponsorisée pour dire cela)

  • Parfumer son intérieur avec un produit Old School plus sympa qu’un produit chimique en bombe…
  • Varier les plaisir en testant les 3 parfums de la maison et les produits dérivés comme la bougie parfumée
  • Soutenir la production “Made in France”
  • Si vous en avez d’autres, n’hésitez pas à les partager dans la zone commentaire :-).

De l’Arménie à Montrouge : suivez les éffluves…

En arrivant à Montrouge et en se rapprochant du lieu de fabrication, je suis guidée par cette odeur de benjoin qui inonde cet ancien quartier ouvrier. L’alchimie opère avant même d’entrée dans ce petit immeuble où il est indiqué discrètement “Papier d’Arménie”.

Le premier numéro de téléphone attribué à Montrouge, c’est celui de la fabrique.

Ici, des mains discrètes mais expertes transforment les larmes de benjoin en un elixir subtile et boisé. Nous entrons dans un bureau qui nous fait penser à une vieille pharmacie avec un grand meuble en bois où sont stockés des archives, des produits collectors, des reliques d’un autre temps mais qui sont le patrimoine de Papier d’Arménie. Ils sont entreposés là comme dans un petit musée, derrière des vitres grinçantes qui semblent ne pas vouloir s’ouvrir afin de préserver les secrets de la maison des regards indiscrets.

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Un savoir-faire rare

Au sous-sol, de grandes cuves alignées permettent de préparer la potion qui sert de base pour imbiber le papier. Philippe, le chef de production, surveille tout cela fièrement. Les larmes de benjoin doivent être dissoutes ! Le benjoin et l’éthanol doivent macérer pendant deux mois afin d’obtenir le précieux liquide sombre et ambré. Entre mélange et macération, les secrets sont bien gardés. Jennifer et Malika trempent des buvards imprimés dans une solution aline. C’est ce qui permet au papier de se consumer doucement et de garder le parfum. Ensuite, il faut faire sécher ces grandes feuilles avant de les faire tremper dans les parfums liquoreux. Le papier est de nouveau séché dans de grands séchoirs.

Pourquoi faut-il 6 mois pour obtenir un carnet ? La préparation de l’elixir dure deux mois. Puis, il faut aussi faire vieillir le papier. C’est le grand-père qui y tenait donc on respecte la tradition.

On passe par le bureau de Philippe où de nombreuses fioles sont entreprosées. Ce sont des échantillons, des essais, des nouveautés… La machine à agrafer qui se trouve dans une pièce à l’arrière a moins de charme mais elle est le fruit de nombreux mois de test : pas facile de trouver une machine pour agrafer de si petits carnets, sans laisser de tâches d’huiles. A côté, une sublime machine. Cela a du charme les vieilles machines vous ne trouvez pas ? Néanmoins, comme me l’explique Mireille, il faut se moderniser même si on en convient, les cuves en cuivre sont bien plus jolies. C’est aussi comme cela qu’on passe de 250 000 carnets à 2,5 millions de carnet par an !

Confessions dans le bureau de Mireille

Je termine la visite dans le bureau de la directrice. 😉

Quelques photos par-ci par là témoignent de la longue histoire de Papier d’Arménie. Une vieille affiche qui vente les mérites d’un jus d’orange traine là. Papier d’Arménie, à une autre époque, a eu d’autres activités dont celle de produire du jus d’orange ! Je veux comprendre l’esprit de la maison donc je me permets quelques questions…

Mireille Schwartz, l’arrière-petite-fille du fondateur a pris la gérance de la petite usine (12 personnes) en 1992. Sa mère, femme d’un médecin voulait vendre l’entreprise qui se trouvait en grande difficulté, au bord du gouffre même. Mireille qui était femme au foyer, se retrousse les manches, quitte Toulouse pour devenir chef d’entreprise. Pas évident mais il fallait se battre, apprendre sur le tas, se faire aider par des amis. La marque est forte, le capital sympathie aussi. Il ne faut rien lâcher !

Aujourd’hui, Papier d’Arménie s’exporte au Canada, au Japon, en Corée, au Chili… et les ventes à l’étranger représentent environ 12 % du chiffre d’affaires de la maison. Elle travaille sur de nouvelles gammes et de jolies packaging : bougies parfumées en 2007, gamme “Rose” en 2009 avec le parfumeur Francis Kurdjian, livre parfumé pour noël 2015… L’entreprise a reçu le label Entreprise du Patrimoine Vivant pour son savoir-faire rare et d’excellence, reconnaissance étatique qui vient soutenir la relance de cette belle entreprise.

C’est toujours intéressant d’être dans une entreprise familiale mais ce sont aussi les ouvriers qui travaillent en famille. Cela créé une atmosphère de confiance même si on est loin du paternalisme.”

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Pour Philippe, Papier d’Arménie c’est aussi son histoire de famille : sa belle mère était secrétaire ici, son frère a bossé ici et c’est lui qui le remplace aujourd’hui. Et ce n’est pas le seul dans ce cas. Jennifer et Caroline aussi ! Mireille me quitte. Elle rejoint sa maman car on est mardi et tous les mardis, c’est déjeuner entre femmes ! Merci à toute l’équipe pour son accueil et ce beau moment de partage. A défaut de proposer une visite guidée pour les curieux, j’espère au moins que cette lecture vous aura transmis un peu de l’âme de Papier d’Arménie.

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J'ai le plaisir de vous faire découvrir les savoir-faire français au travers de mes reportages et interviews. Je me laisse porter par ce que m'inspirent mes rencontres, mes échanges. J'adore les vieilles boites, qui ont de belles anecdotes à raconter. J'aime le subtile mélange entre tradition et modernité ! J'apprécie l'engagement des hommes et des femmes qui ont décidé de fabriquer en France...

6 COMMENTAIRES

  1. Formidable ce reportage j’utilise le papier d’Arménie depuis longtemps sans savoir tout ça j’ai envie de voir cette fabrique il faudrait me donner l’adresse et à l’occasion venir faire une visite si possible je suis dans le midi je vais à Paris voir ma famille peut être me répondrez vous . Merci pour votre reportage

    • Bonjour Jacqueline, malheureusement Papier d’Arménie ne propose pas de visites et c’est la raison pour laquelle nous avons voulu partager notre expérience avec vous ! Nous avons la chance d’entrer en exclusivité dans les coulisses de certaines entreprises… Il ne vous reste plus qu’à dévorer mon article des yeux ! 😉 et à aller sur leur site pour découvrir leurs nouveaux produits !

  2. Bonjour Cyrielle
    Merci pour l’article et bravo
    Il y a en revanche une petite coquille dans le nom du créateur chimiste : il s’agit d’Auguste Ponsot.
    Bon après-midi

  3. Merci pour c’est excellent article. En plus des belles fautes, j’ai pu découvrir un savoir faire made in France dont j’ignorais complètement l’existence.
    Comme vous dîtes, et je m’y engage, adieu bombe chimique et bonjour Papier d’Arménie !

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